Le principe de l'instrument de Danjon est à présent bien connu et apprécié, depuis la constitution d'un catalogue stellaire de haute précision par le satellite Hipparcos, qui n'est rien d'autre qu'un astrolabe sans bain de mercure.
Dans la réalité des mesures, l'astrolabe est désavantagé tant par les turbulence de l'atmosphère que par des problèmes thermiques, surtout lorsqu'il s'agit d'observer le Soleil. Toutefois, par son principe même, il est le seul instrument d'astrométrie au sol à pouvoir observer de façon fiable des diamètres verticaux, et d'ailleurs seulement eux. La raison en est qu'au lieu de mesures d'angles, cet instrument ne permet de déterminer que des instants de passage par une distance zénithale constante. Il est donc, pour les mesures de diamètre, affranchi en grande partie des erreurs commises dans l'évaluation des effets de la réfraction. À partir de l'instrument conçu en France, diverses modifications ont conduit à l'astrolabe dit solaire. Cet instrument se distingue du modèle de Danjon par diverses modifications.
En premier lieu, le prisme transparent permettant les observations à
30 de distance zénithale est remplacé par une série de
11 prismes
autorisant les observations à autant de distances zénithales zi
fixes. Ces
prismes,
construits en céramique microcristalline travaillent en réflexion et sont
dotés de la stabilité attachée à ce type de matériau. Ces divers
prismes, dont
la section principale est toujours un triangle isocèle, diffèrent entre
eux
par la valeur de l'angle au sommet
de cette section. C'est cet angle
qui
finalement définit la distance zénithale d'observation par la relation :
Aisément interchangeables, ces
prismes permettent, par beau temps, d'effectuer jusqu'a 22 mesures de
diamètre par jour.
À ce montage s'ajoute une autre pièce optique importante, le filtre neutre. Constitué d'une lame à faces parallèles en silice fondue recouverte d'une couche de Chrome-Nickel, ce filtre introduit une densité optique de l'ordre de 5.5 et atténue l'intensité lumineuse reçue du Soleil de 14 magnitudes environ.
Entre 1978 et 1996, les observations visuelles ont permis d'accumuler
plusieurs milliers de mesures de diamètre solaire. De nouveaux résultats
ont été obtenus à partir d'une nouvelle réduction des observations,
non encore terminée, basée sur le système UAI en vigueur depuis
1988 et sur la théorie VSOP87 (Bretagnon & Francou 1988). Pour
l'instant, seuls 5 prismes ont été pris en compte dans cette
re-réduction.
Les variations apparentes du demi-diamètre, non encore expliquées
ont encore été mises en évidence et une recherche des effets
perturbateurs
possibles est en cours au CERGA (Laclare et al. 1996).
On retiendra seulement ici que, toutes distances
zénithales confondues, l'erreur moyenne pour une mesure est de 0 28.
Afin de confirmer plus sûrement ces résultats, et d'améliorer la précision des mesures, il a été décidé de modifier le système d'acquisition des données par un système électronique basé sur l'emploi d'une caméra CCD associée à un micro-ordinateur, ce qui a conduit à l'astrolabe à CCD.
Si l'on veut bien examiner de près ce nouveau mode
d'observation, son principe est strictement le même que par le
passé :
l' il de l'observateur est remplacé par le circuit CCD tandis
que le micro-ordinateur a la charge de remplacer
le cerveau de l'observateur. Mais là s'arrête la similitude. En effet,
sauf en de rares exceptions, le système électronique n'accuse aucune
défaillance et procède à une acquisition de données incomparablement
plus
complète et surtout plus fidèle qu'un observateur humain.
Une observation visuelle conduisait à obtenir une vingtaine de
temps par passage d'un bord solaire, ce qui équivaut à 160 octets à
traiter
dans un ordinateur. L'emploi d'une caméra CCD amène à accumuler
une cinquantaine d'images directes et réfléchies du Soleil pendant les
quelques 25 à 30 secondes que dure un passage, ce qui envoie plus
de 2.5 megaoctets en machine !
Rappelons que, dans la méthode d'observation visuelle, l'observateur doit maintenir le contact, aidé par le micromètre, entre les deux images du Soleil, directes et réfléchies. Le procédé électronique prendra une série de chacune des images du Soleil. Ce n'est qu'après les observations que l'ordinateur procèdera à la reconstitution des trajectoires de chacune des deux images. Pour simplifier, on peut dire que l'instant de passage se déduit alors de l'intersection des deux trajectoires. Cette question sera abordée plus précisement plus loin.
Deux astrolabes ont été employés au CERGA pour la mise au point de ces nouvelles méthodes d'acquisition : l'astrolabe solaire équipé de prismes d'angles fixes et un second astrolabe équipé d'un prisme d'angle variable essentiellement construit pour tester rapidement matériel et logiciels. Ce montage permet d'effectuer facilement une dizaine de mesures du diamètre solaire par heure.
Dans tous les cas, le bord solaire est défini par la ligne joignant les points d'inflexion des courbes d'intensité lumineuse obtenues le long de chaque ligne de la caméra CCD.
Pendant le passage, l'instrument se comporte comme tout astrolabe classique, c'est-à-dire que deux images du bord solaire sont simultanément présentes dans le champ de la lunette. Ces deux images sont séparées pendant une moitié de l'observation et se recouvrent durant l'autre moitié. On peut craindre que l'accumulation de lumière puisse saturer la CCD, ou pire, la détruire (la CCD est au foyer image de l'instrument) mais aussi que la détermination du bord solaire soit rendue impossible ou tout au moins beaucoup moins précise pendant le recouvrement des images. Compte tenu de ces circonstances, deux méthodes d'observations ont été testées.
Figure 1: Principe de l'acquisition numérique
Dans une première série d'essais, le problème de recouvrement a été éliminé par la mise en place d'un obturateur tournant devant l'objectif.
Ces tests ont été conduits sur l'instrument à prisme d'angle
variable
puis sur l'astrolabe solaire. En rotation constante
pendant la durée des observations, l'obturateur cachait
alternativement chacune des pupilles d'entrée de l'objectif et, à chaque
demi-tour, commandait un interrupteur électronique déclenchant
l'acquisition
des images et leur datation précise (Fig. 1 (click here)). Cet interrupteur était
lui-même
commandé par l'observateur qui de ce fait pouvait laisser ou non passer
les contacts de l'obturateur et, ainsi, définir les instants de début et
de fin des acquisitions. Durant chaque passage il était ainsi possible de
recueillir une centaine de fenêtres de 101256 pixels, associées
à l'heure précise de leur acquisition. Ces fenêtres, grâce
à l'action de l'obturateur,
contenaient,
alternativement, une image du Soleil, directe ou réfléchie sur le bain de
mercure. Mais bien que les premières analyses de ces images aient conduit
à
des résultats très satisfaisants, il est très vite apparu que leur
qualité
n'était pas celle que l'on était en droit d'espérer. Cela
pouvait être dû au site, à un mauvais réglage de l'instrument ou à
la
méthode. L'essai de cet obturateur sur le second astrolabe a rapidement
démontré que les qualités du site et de l'astrolabe ne pouvaient pas
être mises en cause. On verra toutefois que malgré cette mauvaise
qualité d'image, les résultats tirés des observations réalisées
avec le prisme d'angle variable sont tout à fait honorables.
La caméra utilisée étant équipée d'un correcteur automatique de
gain
destiné à éviter toute saturation des pixels, il a été possible de
tester une seconde méthode qui consistait tout simplement à procéder
à l'acquisition de
trames entières (et non plus de fenêtres) sur lesquelles figuraient les
deux images du Soleil. Leur qualité a été immédiatement et très
nettement améliorée même lors de leur superposition. Seul
l'interrupteur de déclenchement de l'observation a été conservé
et, le micro-ordinateur n'étant
plus piloté par
les impulsions de l'obturateur effectuait alors la prise d'images à sa
propre cadence. Une cinquantaine d'images pleine trame (
pixels) pouvaient être ainsi emmagasinées dans l'ordinateur
pour chaque passage. Du point de vue de la quantité d'information, ce
procédé permettait
d'obtenir à peu près le même nombre de trames pour chaque image directe
et
réfléchie du Soleil que lors de l'acquisition de fenêtres séparées.