Le problème à résoudre était alors celui de reconstituer les trajectoires des images directes et réfléchies, relativement à la CCD, d'un point judicieusement choisi sur le bord solaire. Si l'on suppose que les lignes sont parfaitement verticales, un point intéressant du bord solaire est, sur chaque image, celui dont la tangente est horizontale ou plus généralement celui dont la tangente est parallèle aux colonnes de la CCD. Ce point répond à des critères géométriques simples ce qui, a priori, rendra le traitement des images plus facile. On notera que, dans l'expérience telle qu'elle est menée au CERGA, les lignes de la CCD sont verticales. Ce choix est dû simplement à une commodité plus grande dans le traitement des données où l'on utilise fréquemment des transferts de blocs d'octets contenant une ligne entière. Ceci est impossible pour les colonnes dont les éléments sont séparés, en mémoire, de la longueur d'une ligne. On retiendra donc que ce sont les colonnes qui sont horizontales.
La CCD définit, avec une très bonne précision, un
repère cartésien à deux dimensions. Du traitement des images, il sera
possible de tirer deux informations indépendantes :
- les variations de la distance zénithale z en fonction du temps,
- les variations de l'azimut a en fonction du temps mais avec une moins
bonne précision.
Les procédures de traitement choisies en découlent :
- Définition et détermination du "bord solaire" par points.
- Recherche du point dont la tangente est parallèle à la direction
horizontale. Il sera désigné par "sommet'' de l'image du bord solaire
dans la suite.
- Conserver, pour chacune des images de la série, la position du sommet
détecté et l'heure correspondante.
- Déterminer les trajectoires des sommets de chaque image.
Ces trajectoires connues, l'instant du passage est défini comme celui où les deux images, directes et réfléchies, sont tangentes à une même colonne de la matrice CCD ou, ce qui revient au même, lorsque les ordonnées des sommets de chaque image sont égales. À condition que la CCD soit parfaitement orientée, cette procédure a pour avantage d'éliminer toute erreur provenant d'un mauvais alignement vertical des deux images du Soleil.
La méthode d'observation et la définition du temps de passage sont différentes de celles utilisées lors des observations visuelles, où l'instant mesuré est celui où les deux images du Soleil sont tangentes. Dans ces conditions, si les images solaires ne sont pas parfaitement alignées verticalement, il en résulte une erreur systématique dans la mesure du diamètre, dans le sens d'une diminution de sa valeur. C'est un avantage de la méthode employée dans ces mesures CCD que de supprimer cet effet.
Par contre, une inclinaison trop prononcée des colonnes de la CCD sur l'horizon entraîne aussi une erreur. Toutefois disposant avec la CCD d'un récepteur à deux dimensions, l'étude des trajectoires permet de déterminer aisément cette inclinaison et donc d'appliquer les corrections requises.
La chaîne des traitements commence donc par l'étude géométrique des images, afin de définir un bord solaire, puis de déterminer la position de chaque point du bord pour chaque ligne (verticale rappelons-le) de la caméra.
En règle générale, le bord solaire étant défini par une certaine courbe, on désignera par sommet de ce bord, le point de cette courbe dont la tangente est parallèle à l'axe des x du système de référence instrumental employé. Le temps de passage sera alors, dans ce système, l'instant où les sommets des bords des images directes et réfléchies ont la même ordonnée.
Cette définition pratique est soumise au choix du système de référence instrumental et à la manière dont le bord solaire est défini. Il va de soi que l'instant de passage adopté en fin d'analyse sera celui rapporté à une certaine méthode de définition du bord et surtout à un système de référence instrumental dont l'axe des x est horizontal. Les systèmes instrumentaux nécessaires sont l'un lié aux lignes (ou aux colonnes) de la CCD, l'autre lié à l'horizon.
L'examen des intensités lumineuses recueillies le long d'une ligne de la caméra montre très clairement les effets de la diffraction, associés à un effet centre-bord prononcé : l'intensité décroit très nettement du centre vers le bord.
Pratiquement, le bord a été défini comme le lieu des points d'inflexion rencontrés le long de chaque ligne de la caméra. Ce choix résulte de considérations d'optique et de commodité dans le traitement mathématique et numérique de ces images.
Du point de vue optique, on sait que la figure de diffraction d'une plage lumineuse uniforme, limitée par un passage brusque de la plage éclairée à la plage sombre, présente un point d'inflexion en coïncidence avec le bord réel et situé à mi-hauteur entre les plages lumineuses et sombres. De même, mathématiquement parlant, on sait que les points d'inflexion sur une courbe sont définis comme les points où la dérivée première est extrémale, ou encore ceux où la dérivée seconde s'annule.
Dans le traitement adopté au cours de cette première campagne, l'extremum de la dérivée a été pris comme référence et, le long de chaque ligne, une dérivée numérique a été calculée. Au nombre de 256, les lignes de la caméra contenaient 512 pixels. A chaque pixel de coordonnées (colonne, ligne) était attaché un nombre, compris entre 0 et 255, représentant une mesure de l'intensité lumineuse recueillie par le pixel durant la pose. Toutes les images obtenues au cours de cette campagne ont été archivées et des études concernant les méthodes de définition du bord solaire et de déterminations du demi-diamètre sont en cours. Les résultats de ces travaux devraient être présentés dans un avenir proche.
Le temps de pose de chaque image vidéo, réduite à sa trame impaire, étant limité à 20 ms, il a été possible de se passer de tout traitement trop sophistiqué des images : la ligne en cours de traitement était lissée sur 3 points puis le point d'abscisse x (en pixels) se voyait attribuer une dérivée calculée en faisant la différence des intensités contenues dans les pixels (x+2) et (x-2). Ce résultat est ensuite élevé au carré tant pour améliorer le rapport signal/bruit que pour éviter des tests de détermination du genre de l'extremum (dérivée maximale ou minimale). La position précise de l'extremum apparent est ensuite évaluée par un calcul de barycentre, au voisinage du sommet de la courbe des dérivées.
Le long de chaque ligne, le point corespondant à l'extremum de la dérivée est obtenu et l'ensemble de ces points représente un bord solaire observé. À ce bord réduit, un temps de passage est associé. Ce temps, lu sur une carte chronomètre insérée dans le micro-ordinateur d'acquisition, est systématiquement diminué de 30 ms. Cette correction provient des conditions de travail de la caméra CCD en mode vidéo :
- le temps de pose de chaque trame est de 20 ms,
- l'acquisition ne se fait qu'après la trame paire,
- l'acquisition concerne la trame impaire première a être observée après la lecture (destructive) de la CCD, et enfin
- la lecture de l'heure est faite juste après la fin de l'acquisition.
Le temps obtenu correspond ainsi à l'instant milieu de l'intervalle de temps de la pose.
Sur cet ensemble de points de la courbe qui définissait le bord de l'image du Soleil, il faut ensuite déterminer celui en lequel la tangente est parallèle aux colonnes de la CCD.
La figure géométrique simple qui représente le mieux le bord solaire est le cercle. Toutefois, une fois enregistrée dans l'ordinateur, l'image du bord diffère de cette figure pour de multiples raisons. L'optique de l'instrument, aussi bien que l'agitation, les durées de la pose et de la lecture de la CCD contribuent à déformer ces images du Soleil.
Pour des raisons de symétrie, la figure apparente semblait être proche
d'une conique. Dans le champ de la CCD (environ 6 4
4
8),
la partie visible
du bord solaire n'équivaut qu'à 15% du diamètre et présente une
courbure
très peu prononcée. On a donc finalement admis que le bord du Soleil
pouvait, avec une précision suffisante, être approché par une parabole.
Pour chacune des images, le calcul par moindres carrés permet de
déterminer les coefficients de l'équation du second degré
représentant le
bord. Si sont les coordonnées des points d'un bord, dans un
repère lié
à la CCD, les équations de conditions suivantes :
écrites pour toutes les valeurs de i comprises entre 0 et
255 ,
permettent de déterminer
les coefficients a, b, et c , avec une bonne précision. Ces
coefficients
connus, le sommet de la parabole s'en déduit aisément. Il a pour
coordonnées :
Les erreurs moyennes sur ces coordonnées sont un peu
inférieures
au dixième de pixel en y , soit 006. Dans le montage adopté,
les variations de y sont le reflet exact des variations de distance
zénithale du Soleil, quantité mesurée. La seconde coordonnée, en x
, n'est
employée que pour évaluer les termes correctifs dus à l'inclinaison
des lignes de la CCD, et elle est obtenue avec des erreurs 15 à 20 fois plus
élevées.
C'est cet ensemble de sommets associés à une heure de
mesure
,
conservés pour chaque image qui permettra de reconstituer la trajectoire
des sommets, moyennant quelques corrections qui seront étudiées plus loin.
L'ensemble des mesures, ,
et
permet de calculer les
trajectoires de
chacune des images, aussi bien en x(t) qu'en y(t) , avec des
précisions très
différentes, bien entendu. On se préoccupera ici essentiellement des
trajectoires y(t) qui représentent les variations de position des
images en distance zénithale. C'est, pour la méthode d'observation,
la donnée dont l'analyse permet
de définir l'instant de passage. L'équation de la trajectoire, dont les
coefficients sont déterminés par application de la méthode des
moindres carrés, peut toujours s'écrire sous la forme d'un développement
en
série, de la forme :
avec n choisi à l'avance et où les ak sont les
inconnues.
Il
s'avère en fait que ces trajectoires ont des courbures très faibles et, en
tous cas, non significatives devant la dispersion des points. Des
tests où la trajectoire était supposée parabolique ont montré
que le
coefficient du terme d'ordre 2 était toujours, d'abord plus grand que le
terme
calculé théoriquement et, ensuite, déterminé avec une erreur
supérieure à la
valeur du coefficient lui-même. D'un autre côté, le calcul théorique
des
effets de la courbure des trajectoire montre qu'ils sont
négligeables. Le problème se simplifiait et les
trajectoires des images solaires pendant la durée du passage pouvaient
être
et ont été assimilées à des droites.
Les calculs permettent donc d'obtenir les trajectoires
des sommets des ces images, sous la forme :
par exemple pour l'image directe, et une équation de la même
forme
pour l'image réfléchie. Si la caméra CCD est parfaitement positionnée,
dans
cette seconde équation le coefficient de t doit être égal à
-a1 , puisque
l'image réfléchie est la symétrique de l'image directe par rapport à
un plan
horizontal défini par le bain de mercure. Dans ce cas l'équation de la
trajectoire du sommet réfléchi s'écrit :
On notera qu'à l'instant t0 , le sommet de l'image directe se
trouve
à l'ordonnée , tandis que l'image réfléchie a son sommet en
.
Dans ces notations, l'instant où les deux sommets ont la même
ordonnée est
, donné par :
En fait, les pentes des deux droites ne sont pas égales en grandeur
car il
est très exceptionnel que les colonnes de la CCD soient parfaitement
horizontales. Toutefois, un calcul relativement simple permet de
déterminer cette inclinaison et d'éliminer les effets qu'elle induit.
Il faut pour cela évaluer aussi les trajectoires en azimut, ou à sinz
près, en x .
L'expression théorique qui donne la variation de distance zénithale
d'un astre en fonction du temps s'écrit, en se limitant aux termes
d'ordre 1 :
où a est l'azimut de l'astre compté depuis le Sud vers
l'Ouest,
est la latitude du lieu d'observation,
la déclinaison de l'objet
et S
l'angle à l'astre.
Les paramètres sont comptés en secondes de degré pour z
et en secondes de temps pour t . Réduite au premier terme, cette relation
implique que t-t0 reste petit. C'est le cas de l'astrolabe puisque la
durée
d'un passage n'excédant pas 25 s, la quantité t-t0 ne dépasse pas
13 s ou, environ, .
L'équation correspondante, en azimut, s'écrit :
Ramenées à un système de coordonnées x,y sur la CCD, supposée
parfaitement
réglée, les relations précédentes deviennent :
où ex et ey sont des constantes qui représentent
les dimensions du pixel en secondes de degré, respectivement sur
l'almucantarat et en distance zénithale. Le diviseur disparaît,
le rayon de courbure du cercle de
hauteur étant égal à
.
Les mêmes relations s'écrivent pour l'image réfléchie, à la
différence près
que S doit être changé en -S . On introduit le non-alignement
vertical des
images en écrivant que le sommet de l'image directe se trouve au point
() tandis que le sommet de l'image réfléchie
sera au
point
(
). Ce paramétrage implique que t0 est
l'instant
du passage cherché
puisque lorsque t=t0 , les ordonnées des deux sommets sont égales.
Si, au contraire, les colonnes de la CCD sont inclinées d'un angle
sur
l'horizon, une rotation d'angle
appliquée aux coordonnées
précédentes, relatives à un axe horizontal, donne
les coordonnées relatives à la CCD réelle ( X,Y ).
La pente des trajectoire en Y , , suivant que l'on considère
l'image directe ou réfléchie est égale à
ou à
.
Connaissant la valeur de l'angle à l'astre avec une précision
surabondante, on détermine
et l'étalonnage ey . Ces
équations sont aussi celles qui permettent de calculer un instant de
passage mesuré mais approché
et de donner son expression en
fonction de t0 et
des termes d'erreur. On en tire aussi t0 instant vrai du passage :
La valeur observée de t doit être corrigée des
effets dus à
l'écartement des images
et d'un terme dépendant du
demi-diamètre solaire. Cette correction
provient du fait que le point observé est le sommet relativement
à la
CCD et que l'on doit en fait observer le sommet relativement à
l'horizontale.
Dès que l'angle est connu, plutôt que
d'appliquer la formule précédente, une rotation d'angle
permet de replacer les points des deux trajectoires
dans un système horizontal. L'instant du passage est encore
défini comme celui où les
ordonnées des sommets des images directes et réfléchies sont égales,
mais cette fois dans un repère horizontal. D'où l'instant
t0 que l'on tire du temps observé
:
On notera le changement de signe de l'erreur, par rapport au
résultat brut, qui s'explique par le changement de système de
référence. Cette rotation supprime aussi tout effet produit par le
non-alignement vertical des images.
De même, on sait que change de signe avec le passage et est
négatif en
passage Est, comme le paramètre p . La formule resterait donc exacte en
supprimant
p et en remplaçant
par sa valeur absolue.
Après la détermination de l'angle la correction ci-dessus
a été
systématiquement appliquée au temps de passage brut donné par
afin d'obtenir une évaluation correcte de t0 , temps de passage
vrai.
Nous nous limitons ici aux mesures du diamètre solaire, paramètre plus immédiatement accessible que la recherche des corrections à la position du Soleil qui nécessitent de plus longues campagnes. Comme pour les observations visuelles, les calculs des positions et du diamètre solaires ont été réalisés dans le système J2000 avec l'aide de la théorie des planètes du Bureau des Longitudes (Bretagnon & Francou 1988) tandis que les coordonnées de la station d'observation ont été corrigées des inégalités de la rotation terrestre et des mouvements du Pôle, publiés par l'IERS/CB (International Earth Rotation Service/Central Bureau).
À ce stade du traitement les données d'observations correspondent à
un
instant de passage pour chaque bord du Soleil, aussi bien pour des
observations faites en passage Est qu'Ouest. La comparaison des temps
de passage observés et prédits permet d'obtenir une
détermination
du diamètre du Soleil. Ces calculs, classiques,
conduisent, pour chaque bord observé, à une équation de condition de la
forme :
où, comme précédemment, p représente le passage et vaut
-1 à
l'Est
et +1 à l'Ouest tandis que b représente le bord observé et vaut
-1
pour
le premier bord et +1 pour le second.
Pour une distance zénithale donnée, chaque passage complet conduit
à un système de quatre relations telles que (1).
Ce système peut être traité de plusieurs façons, suivant les
besoins, mais avec quelques précautions. Lors d'un passage par une distance
zénithale fixe, les coefficients des inconnues restent pratiquement
constants en grandeur, tant à l'Est qu'à l'Ouest. Par conséquent, les
coefficients de et de
sont proportionnels et
ces deux inconnues ne
peuvent pas être
séparées et on posera de façon classique
(Laclare et al. 1980; Chollet 1981).
Le système complet
des équations est à présent :
Le système primitif de quatre équations à quatre inconnues se
réduit à un système à
trois inconnues qui peut être traité statistiquement par application d'une
méthode de moindres carrés. On peut aisément vérifier que
les
vecteurs colonnes formés par les
coefficients des inconnues sont quasiment perpendiculaires entre eux, ce qui
conduira à une matrice des équations normales pratiquement diagonale. Les
équations ont ainsi la meilleure conformation possible et il
sera possible d'évaluer des erreurs de façon valable. Les
résultats traitant des observations visuelles
ont été obtenus de cette manière. Dans ce mode de réduction, les
quatre équations sont utilisées pour fournir un seul diamètre.
Mais on constate aussi que
chaque groupe de deux équations conduit à une détermination du
diamètre. Les soustractions terme à terme :
,
ou encore
fournissent directement le diamètre
. Mais il n'est plus alors possible de donner une idée de
la précision
des mesures autrement que par la comparaison des résultats successifs. Notre
étude étant limitée à celle du diamètre, c'est cette seconde
méthode
qui a été employée car elle conduit à un nombre deux
fois plus
élevé de résultats et permet d'étudier l'existence d'effets Est-Ouest
éventuels.